L'égalité salariale (enfin) en vue en Europe?

Vers une rémunération égale pour un même travail entre hommes et femmes? Vieux serpent de mer, pourtant inscrit à l’article 157 du TFUE, le projet pourrait finalement finir par voir le jour en Europe sous l’impulsion de la Commission européenne qui a présenté fin de semaine dernière une proposition en ce sens. Selon le texte déposé devrait être établies des mesures en matière de transparence des rémunérations, comme les informations sur les rémunérations pour les demandeurs d’emploi, le droit de connaître les niveaux de rémunération des travailleurs accomplissant le même travail, ainsi que des obligations pour les grandes entreprises de communiquer des informations sur l’écart de rémunération entre hommes et femmes. La proposition renforce également les outils permettant aux travailleurs de faire valoir leurs droits et facilite l’accès de ces derniers à la justice. Les employeurs ne seront pas autorisés à demander aux demandeurs d’emploi leurs antécédents en matière de rémunération et devront fournir des données anonymisées sur la rémunération à la demande du salarié. Les salariés auront également droit à une indemnisation en cas de discrimination en matière de rémunération.

Ces nouvelles mesures, qui tiennent compte de l’incidence de la pandémie de COVID-19 tant sur les employeurs que sur les femmes, qui sont particulièrement durement touchées, sensibiliseront davantage aux conditions de rémunération au sein de l’entreprise et doteront les employeurs et les travailleurs de plus d’outils permettant de remédier à la discrimination en matière de rémunération au travail. Elles permettront de remédier à plusieurs facteurs importants contribuant à l’écart de rémunération existant et sont particulièrement pertinentes en cette période de pandémie de COVID-19, qui renforce les inégalités hommes-femmes et expose davantage les femmes au risque de pauvreté.

«A travail égal, rémunération égale. Et pour parvenir à l’égalité de rémunération, il faut de la transparence, a asséné à cette occasion la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Les femmes doivent savoir si leur employeur les traite de manière équitable. Et lorsque ce n’est pas le cas, elles doivent avoir la possibilité de se défendre et d’obtenir ce qu’elles méritent.»

Pour la vice-présidente chargée des valeurs et de la transparence, Vera Jourová, «il est grand temps que tant les femmes que les hommes puissent faire valoir leurs droits. Nous voulons donner aux demandeurs d’emploi et aux travailleurs des outils leur permettant d’exiger un salaire juste et de connaître et faire valoir leurs droits. C’est également la raison pour laquelle les employeurs doivent devenir plus transparents en ce qui concerne leurs politiques en matière de rémunération. Il faut en finir avec les deux poids deux mesures, en finir avec les excuses».

Concrètement, la proposition législative se concentre sur deux éléments essentiels de l’égalité de rémunération: les mesures visant à garantir la transparence en matière de rémunération pour les travailleurs et les employeurs, ainsi qu’un meilleur accès à la justice pour les victimes de discriminations en matière de rémunération.

Concernant plus précisément les mesures en matière de transparence des rémunérations, le texte appelle les employeurs à fournir des informations sur le niveau de rémunération initial ou une fourchette correspondante dans l’offre d’emploi ou avant l’entretien d’embauche. Les employeurs ne seront pas autorisés à demander aux éventuels candidats leurs antécédents en matière de rémunération. Les travailleurs auront également le droit de demander à leur employeur des informations sur leur niveau de rémunération individuel et sur les niveaux de rémunération moyens, ventilés par sexe, pour les catégories de travailleurs accomplissant le même travail ou un travail de même valeur. Les employeurs comptant au moins 250 salariés devront parallèlement publier des informations sur l’écart de rémunération entre les travailleurs féminins et masculins dans leur organisation et fournir, à usage interne, des informations sur l’écart de rémunération entre les travailleurs féminins et masculins par catégorie de travailleurs accomplissant le même travail ou un travail de même valeur. Enfin, orsque les informations sur la rémunération indiquent un écart de rémunération entre hommes et femmes d’au moins 5 %, que l’employeur ne peut justifier sur la base de facteurs objectifs et non sexistes, celui-ci devra procéder à une évaluation des rémunérations en coopération avec les représentants des travailleurs.

Quant au «meilleur accès à la justice pour les victimes de discriminations en matière de rémunération», quatre mesures sont proposées par le document: l’indemnisation des travailleurs – les travailleurs victimes d’une discrimination en matière de rémunération fondée sur le sexe pourront obtenir une indemnisation, y compris le recouvrement intégral des arriérés de salaire et des primes ou paiements en nature qui y sont liés; la charge de la preuve pesant sur l’employeur – il incombera par défaut à l’employeur, et non au travailleur, de prouver l’absence de discrimination en matière de rémunération; l’adoption de sanctions, y compris amendes – les États membres devront établir des sanctions spécifiques en cas de violation de la règle relative à l’égalité de rémunération, et notamment un montant minimum d’amendes; et la possibilité donnée aux organismes pour l’égalité de traitement et aux représentants des travailleurs d’agir dans le cadre de procédures judiciaires ou administratives au nom des travailleurs, ainsi que d’introduire des recours collectifs en matière d’égalité de rémunération.

Nouveau pas significatif en faveur de l’égalité femmes-hommes, la proposition, conclut Helena Dalli, commissaire à l’égalité, permettra aux travailleurs «de faire valoir leur droit à l’égalité de rémunération et de mettre fin aux partis pris sexistes en matière de rémunération». Reste désormais au Parlement et au Conseil de se saisir du texte et, en cas d’adoption, aux États membres de le transposer en droit interne dans les deux années suivantes.

Photo: Ursula von der Leyen / Photographe: Etienne Ansotte / European Union, 2021 / Source: EC – Audiovisual Service