Salaire minimum européen: le patronat traîne des pieds

Sur le fond, l’idée apparaît séduisante: proposer un salaire minimum européen. Mais pour cela faut-il encore que les partenaires sociaux soutiennent l’idée. Et, de ce point de vue, les résultats des premières consultations lancées par la Commission européenne n’affichent que peu d’engouement du côté du patronat. «Les représentants des employeurs européens – BusinessEurope, SMEunited et CEEP – montrent une certaine frilosité quant à la présentation d’un instrument européen – comme une directive – pour garantir des salaires minimums équitables au sein de l’UE, dans leurs réponses à la première phase de consultation des partenaires sociaux lancée à la mi-janvier par la Commission européenne (EUROPE B12403A5)», relaie ainsi l’Agence Europe. «Pour ces trois organisations patronales, l’action de la Commission européenne doit se limiter au périmètre qui lui est conféré par les traités européens (article 153, alinéa 5 du TFUE) et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (notamment l’arrêt C-268/06), rappelant que la Commission européenne n’a aucune compétence pour introduire un instrument juridique pour les salaires minimums». Ainsi, poursuit à son tour SMEunited, organisation représentative des artisans et PME, «l’adoption d’une directive sur la ‘fixation d’un salaire minimum légal (…) n’est pas la bonne voie à suivre».

Plus encline à ce que l’Exécutif européen centre son son action sur la coopération entre les États membres pour atteindre un niveau d’emploi élevé, BusinessEurope, qui représente plus particulièrement le grand patronat, souligne que doit être pris en considération le coût global de l’embauche pour un employeur mais aussi les prestations sociales que touchent souvent les travailleurs avec un faible salaire. Autre point noir, cette fois pour SMEUnited, le risque qu’en cas d’inflation trop forte des salaires minimums le travail au noir, la réduction du nombre d’heures travaillées ou l’appel à une plus grande automatisation des lignes de production ne finissent par être privilégiés par de nombreuses entreprises. Enfin, tendre vers une hausse des salaires concernés, ajoute-telle, pourrait également freiner l’embauche de travailleurs peu qualifiés ou des jeunes travailleurs, dotés de compétences moins maîtrisées que par leurs aînés. Des considérations que rejette à l’inverse la Confédération européenne des syndicats (CES), qui appelle à ce que les salaires minimums légaux atteignent progressivement – et pour débuter – un niveau d’au moins 60% du salaire médian national à temps plein.

Dans cette opposition annoncée entre patronat et syndicats ouvriers, le Berlaymont pourrait lancer une seconde phase de consultation dès le 29 avril, afin d’affiner sa stratégie.

Photo: Tripartite Social Summit, Brussels, © European Union, 2018