Roumanie: Le gouvernement obtient la tête d'un symbole de la lutte anti-corruption

Visage du pouvoir judiciaire dans le pays et farouche opposante aux réformes visant à assouplir le Code pénal et le Code de procédure pénale en Roumanie, la cheffe du parquet anticorruption Laura Codruta Kovesi a été officiellement limogée ce lundi par le Chef de l’Etat de centre droit Klaus Iohannis. Soutien de Laura Codruta Kovesi et opposé sur ce dossier depuis plusieurs semaines à la coalition de centre-gauche au pouvoir, celui-ci s’était vu menacé par le gouvernement et la majorité parlementaire d’une procédure de destitution s’il persistait à s’opposer à la décision de la Cour constitutionnelle roumaine de révoquer la procurueure.

Entre autres bête noire du ministre de la Justice Tudorel Toader qui avait engagé contre elle une procédure de révocation à son encontre pour avoir «enfreint la Constitution» et «nui à l’image» de la Roumanie suite à la publication de son rapport annuel confirmant le déferrement par ses services d’un millier de personnes en 2017, pour un tiers d’entre elles en raison de soupçons de détournements de fonds de l’Union européenne, Laura Codruta Kovesi avait notamment mis en cause trois ministres, deux vice-ministres et six parlementaires, dont Liviu Dragnea, le chef du Parlement roumain et des sociaux-démocrates, accusé, par une enquête de l’Office européen de lutte antifraude, d’avoir détourné 21 millions d’euros.

Dans ce climat de plus en plus tendu quant au délitement de l’Etat de droit en Roumanie, le Secrétaire général du Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland, avait pour sa part, «appelé toutes les parties concernées à attendre l’avis de la Commission de Venise (attendu pour le 19 octobre, ndlr), et à le prendre en considération avant de continuer à réformer le Code pénal et le Code de procédure pénale roumains». Cette réforme, ajoutait-il alors, donnant raison à Laura Codruta Kovesi, «risque d’être contraire aux obligations internationales de la Roumanie, particulièrement celles qui lui incombent en vertu de la Convention pénale du Conseil de l’Europe sur la corruption, comme le Groupe d’États contre la corruption (GRECO) l’a indiqué dans son dernier rapport ad hoc».

Particulièrement préoccupante quant à l’indépendance de la justice en Roumanie, cette décision s’inscrit dans une série d’attaques de l’Etat de droit en Europe, dont l’un des récents épisodes fut semaine dernière, la mise à la retraite forcée de la présidente de la Cour constitutionnelle, en Pologne.

Photo: Laura Codruta Kövesi / Wikipedia sous creative commons