Passeports et visas «dorés» dans le collimateur du Parlement

Par 61 voix pour, 3 contre et 5 abstentions, la commission parlementaire des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) a adopté hier un rapport d’initiative législative présentant une série de mesures visant à résoudre les problèmes liés aux programmes d’octroi de citoyenneté et de résidence contre investissement. Entre 2011 et 2019, au moins 130.000 personnes auraient profité de ces programmes contre investissement dans l’UE, ce qui aurait généré plus de 21,8 milliards d’euros de recettes pour les pays concernés. Trois États membres disposent de régimes de citoyenneté contre investissement: la Bulgarie (où le gouvernement a déposé un projet de loi visant à mettre fin au régime), Chypre (qui ne traite actuellement que les demandes soumises avant novembre 2020) et Malte. Douze États membres ont des régimes résidence contre investissement, tous avec des montants et des options d’investissement différents, ainsi que des normes pour les contrôles et les procédures.

Selon les députés membres de la commission parlementaire, ces programme de citoyenneté contre investissement, grâce auxquels des ressortissants de pays tiers peuvent obtenir des droits de nationalité en échange d’un investissement, sont «discutables d’un point de vue éthique, juridique et économique» et présentent plusieurs risques graves pour la sécurité. Les «passeports dorés» sapent, selon eux, l’essence de la citoyenneté européenne et devraient être supprimés progressivement.

Intervenant à l’occasion de ce vote, la rapporteure Sophia in ‘t Veld (Renew Europe, NL) a ainsi déclaré: «Etre un citoyen ou un résident de l’UE représente le cœur de ce que l’Union incarne: la liberté et les droits. Vendre cela comme un produit en échange d’un investissement immobilier témoigne du manque de respect des gouvernements des États membres. Ce n’est pas à eux de le vendre, et ils menacent notre sécurité».

Dans ses recommandations, le texte demande qu’un pourcentage significatif soit prélevé sur les investissements réalisés, ce qui se poursuivrait pendant la suppression progressive de ces programmes, et indéfiniment pour les programmes de résidence contre investissement, soit pour les «visas dorés». En outre, les élus déplorent l’absence de procédures de contrôle globales et le fait que le système actuel permette des demandes successives dans différents États membres, en s’appuyant sur des contrôles effectués par des acteurs non étatiques.

Soulignant la différence en termes de gravité des risques posés par les programmes de «résidence contre investissement» (qui donnent aux étrangers des droits de résidence en échange d’une contribution financière), le projet de rapport appelle à des règles européennes communes pour harmoniser les normes et renforcer la lutte contre le blanchiment de capitaux, la corruption et l’évasion fiscale. A ce titre, les députés demandent: des vérifications rigoureuses des antécédents (notamment des membres de la famille et des sources de financement), des contrôles obligatoires auprès des systèmes de justice et d’affaires intérieures de l’UE, ainsi que des procédures de vérification dans les pays tiers; des obligations de déclaration pour les États membres; et des exigences de résidence physique minimale (pour les candidats) et d’implication active, de qualité, de valeur ajoutée et de contribution à l’économie (pour leurs investissements).

Par ailleurs, les députés envisagent un système de «notification et de consultation» pour permettre aux autres États membres de s’opposer à l’octroi d’un «visa doré».

Enfin, le rapport souligne que les intermédiaires de ces programmes ne sont ni transparents ni tenus de rendre des comptes. Le texte demande en conséquence l’interdiction de leur participation aux programmes de citoyenneté contre investissement ainsi qu’une «réglementation stricte et contraignante» pour les programmes de résidence contre investissement. Les députés veulent mettre fin aux pratiques commerciales qui utilisent les symboles de l’UE ou mettent en avant les avantages de la citoyenneté européenne, et souhaitent un cadre de sanctions. De plus, le texte demande à la Commission de faire pression sur les pays tiers qui bénéficient d’un régime d’exemption de visa vers l’UE pour qu’ils suppriment leurs programmes de citoyenneté contre investissement et réforment leurs programmes de résidence contre investissement.

Sur le plan procédural, le rapport sera débattu à la session plénière strasbourgeoise de mars (7-10 mars). Si le rapport est alors adopté, la Commission devra préparer une proposition législative ou justifier sa décision de ne pas le faire.