Le Conseil de l'Europe épingle la partie grecque de Chypre pour manque d’autonomie financière des autorités locales

Fin de semaine dernière, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a adopté un rapport sur l’application par Chypre de la Charte européenne de l’autonomie locale, dans lequel il parvient à la conclusion que des lacunes persistent depuis le précédent rapport, établi en 2016. Le principe d’autonomie n’est, selon lui, «toujours pas reconnu dans la Constitution ni dans les lois en vigueur», et la République de Chypre demeure «un pays très centralisé».

En outre, le suivi actuel constate que l’étendue des responsabilités des autorités locales reste limitée en comparaison des normes communes en Europe. Le rapport souligne que les autorités locales dépendent excessivement des transferts et des subventions de l’État pour répondre à leurs besoins financiers, et que les principes d’adéquation et de proportionnalité des finances locales – selon lesquels les autorités locales doivent être financées de façon à leur permettre de remplir leurs tâches et fonctions – sont largement ignorés dans le régime juridique actuel. De même, le système actuel manque de mécanismes appropriés de péréquation financière, qui permettraient d’allouer des ressources supplémentaires aux communautés rurales défavorisées.

De fait, les fonctionnaires du ministère des Finances interrogés dans le cadre du présent rapport admettent que «de nombreuses» collectivités locales chypriotes (en particulier les petites communautés rurales) ne peuvent répondre aux besoins de la population et sont confrontées à «de graves difficultés financières». En résumé, ils reconnaissent le manque d’autonomie financière des autorités locales. Cela vaut d’une manière générale pour les communes (bien qu’il puisse y avoir des différences spécifiques entre les municipalités ordinaires et les cinq grandes municipalités), mais la situation est pire encore pour les communautés rurales.

D’un autre côté, le Congrès apprécie la «franche volonté» des autorités nationales de réagir de façon adéquate à ses recommandations, selon les entretiens menés avec des responsables gouvernementaux pour préparer ce rapport. Le gouvernement a ainsi élaboré une profonde réforme de l’administration locale, comme l’indique le rapport. Au moment de la mission de suivi, trois projets législatifs avaient été soumis à la chambre des représentants et étaient en cours d’examen. «Malheureusement, note le rapport, ces projets de loi n’ont pas pu être approuvés au cours de la législature actuelle, mais ils devraient l’être par le nouveau parlement qui sera élu lors des élections législatives de mai 2021».

Si elle est finalement approuvée, cette réforme devrait renforcer l’autonomie locale et améliorer la gouvernance des collectivités locales. Une réorganisation radicale des structures de gouvernance locale est également envisagée, au moyen d’une fusion obligatoire de toutes les communes actuelles qui réduirait approximativement leur nombre de moitié. De nombreuses communautés rurales sont également concernées par cette opération.

En outre, la réforme prévue étendrait considérablement les compétences et les responsabilités des collectivités locales, ainsi que leurs ressources financières. De plus, si elle est approuvée, différents contrôles effectués actuellement par les ministères du pouvoir central vis-à-vis des collectivités locales seraient supprimés.

Les recommandations du rapport de suivi contiennent les éléments suivants :

  • Inscrire et reconnaître le principe de l’autonomie locale dans les lois en vigueur régissant les communes et les communautés rurales.

  • Inscrire les tâches municipales dans la loi et préciser la répartition des compétences municipales, qui devraient être accrues, en revoyant la législation sectorielle pertinente, en particulier concernant des questions telles que l’urbanisme ou les services sociaux.

  • Étendre la capacité fiscale des communes en augmentant la part des ressources provenant des impôts locaux. Cette mesure renforcerait l’autonomie financière des communes et réduirait leur dépendance vis-à-vis des transferts du pouvoir central.

  • Inscrire dans la loi le principe de l’adéquation des finances locales, afin de garantir que celles-ci soient à tout moment proportionnées aux responsabilités locales prévues par la loi, et instituer les dispositions légales ou les mécanismes institutionnels nécessaires pour garantir l’existence d’une corrélation entre les moyens financiers des collectivités locales et leurs compétences.

  • Etablir un système efficace de péréquation financière destiné à protéger les collectivités locales plus faibles sur le plan économique, et fondé sur une formule utilisant des critères clairs et transparents.

  • Eliminer autant que possible les contrôles administratifs préalables exercés par le gouvernement central vis-à-vis des autorités locales, en particulier sur les questions liées à la gestion de leurs ressources humaines, l’approbation de leurs budgets ou la gestion de leurs biens et actifs.

  • Renforcer la capacité des collectivités locales à gérer, organiser et planifier leurs propres ressources humaines en permettant aux autorités locales de réglementer librement les conditions d’emploi de leurs propres employés (dans les limites de la loi), sans approbation préalable du Conseil des ministres.

Chypre a ratifié la Charte européenne de l’autonomie locale en 1988. Les États qui ont ratifié la Charte sont liés par ses dispositions. La Charte exige la mise en œuvre d’un ensemble minimal de droits qui constituent la base essentielle de l’autonomie locale en Europe. Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe veille à ce que ces principes soient respectés dans les 47 États membres du Conseil de l’Europe.