La CJUE condamne Varsovie à 1 million d'euros d'astreinte par jour pour atteinte à l'Etat de droit

Loin d’avoir suspendu l’application des dispositions nationales relatives notamment aux compétences de la chambre disciplinaire de la Cour suprême, la Pologne s’est vu condamné par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans une ordonnance rendue publique ce 27 octobre, à payer à la Commission européenne une astreinte journalière d’un montant d’1 million d’euros. Selon la Cour, le respect des mesures provisoires ordonnées le 14 juillet 2021 est nécessaire afin d’éviter un préjudice grave et irréparable à l’ordre juridique de l’Union européenne ainsi qu’aux valeurs sur lesquelles cette Union est fondée, notamment celle de l’État de droit.

Débuté le 19 novembre 2019, l’affaire fait référence à la saisine de la CJUE quant à l’indépendance de la nouvelle chambre disciplinaire de la Cour suprême polonaise afin de déterminer si cette instance peut connaître des litiges relatifs à la mise à la retraite des juges de la Cour suprême ou si de tels litiges doivent être examinés par une autre juridiction répondant à cette exigence d’indépendance.

Réunie dans le cadre d’une procédure accélérée en grande chambre, la CJUE avait jugé que le droit à un recours effectif, garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et réaffirmé, dans un domaine spécifique, par la directive 2000/78 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, s’opposait à ce que des litiges concernant l’application du droit de l’Union puissent relever de la compétence exclusive d’une instance ne constituant pas un tribunal indépendant et impartial.

Selon la Cour, tel est le cas lorsque les conditions objectives dans lesquelles a été créée l’instance concernée, les caractéristiques de celle-ci et la manière dont ses membres ont été nommés sont de nature à engendrer des doutes légitimes, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité de cette instance à l’égard d’éléments extérieurs, en particulier, d’influences directes ou indirectes des pouvoirs législatif et exécutif, et à sa neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent.

Deux mois après, le 14 février 2020, la loi modifiant la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun, la loi sur la Cour suprême et certaines autres lois (ci-après la « loi modificative »), entrait en vigueur. Estimant que les dispositions nationales en vigueur violaient le droit de l’Union, la Commission avait alors introduit, le 1er avril 2021, un recours en manquement devant la Cour de justice et demandé à la Cour, dans le cadre d’une procédure en référé, d’ordonner à la Pologne d’adopter une série de mesures provisoires. Par son ordonnance du 14 juillet 2021, la vice-présidente de la Cour avait alors fait droit à toutes les demandes de la Commission jusqu’au prononcé de l’arrêt définitif. Considérant que la Pologne ne s’était pas conformée aux obligations qui lui incombent en vertu de cette ordonnance, la Commission a introduit, le 7 septembre 2021, une demande tendant à ce que la Pologne soit condamnée à payer une astreinte journalière d’un montant susceptible d’inciter cet État membre à donner effet, dans les meilleurs délais, aux mesures provisoires ordonnées dans l’ordonnance de référé.

Condamnée aujourd’hui par la Cour à payer à la Commission une astreinte d’un montant de 1 million d’euros par jour, jusqu’à ce que cet État membre se conforme aux obligations découlant de l’ordonnance du 14 juillet 2021, ou, à défaut, jusqu’au jour du prononcé de l’arrêt définitif, Varsovie se voit infliger un nouveau camouflet dans son combat contre les institutions européennes.