Climat: Pourquoi la proposition de loi européenne sur le climat déçoit?

Présentée hier par la Commission la proposition de loi européenne sur le climat a déjà suscité plusieurs déceptions, à commencer par celle de l’activiste suédoise Greta Thunberg, qui l’a qualifiée hier de «renonciation» à l’occasion de la réunion extraordinaire de la commission de l’environnement du Parlement européen. Le texte qui vise à inscrire dans la législation la volonté politique de l’Union de parvenir à la neutralité climatique d’ici à 2050, trace la voie à suivre par l’Union européenne dans toutes ses actions, garantissant ainsi une certaine prévisibilité aux pouvoirs publics, aux entreprises et aux citoyens, se défend t-on pourtant du côté du Berlaymont. Pour la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, «nous agissons aujourd’hui afin que l’Union européenne devienne, d’ici à 2050, le premier continent au monde à parvenir à la neutralité climatique. La loi sur le climat est la traduction juridique de notre volonté politique et nous engage définitivement sur la voie d’un avenir plus durable. Cet acte, qui est au cœur même du pacte vert pour l’Europe, apporte de la prévisibilité et de la transparence à l’industrie et aux investisseurs européens. En outre, il imprime une orientation à notre stratégie de croissance verte et garantit que la transition sera progressive et équitable». La rejoignant dans la défense du texte, Frans Timmermans, son vice-président exécutif chargé du pacte vert pour l’Europe, rejette tout autant les critiques de Greta Thunberg et souligne que «nous traduisons nos paroles en actes, pour montrer à nos concitoyens européens que nous sommes fermement décidés à parvenir à un niveau zéro d’émission nette de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Avec la loi européenne sur le climat, nous signifions également à nos partenaires internationaux que le temps est venu de revoir collectivement à la hausse notre niveau d’ambition mondial, dans la poursuite de nos objectifs communs au titre de l’accord de Paris. Cette loi nous permettra de rester méthodiques et concentrés sur notre objectif, de maintenir le cap et de veiller à obtenir des résultats.»

Sur le fond, la proposition de loi présente quatre axes à suivre pour atteindre l’objectif fixé pour 2050:

  • sur la base d’une analyse d’impact exhaustive, la Commission proposera un nouvel objectif de l’UE pour 2030 en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La loi sur le climat sera modifiée une fois l’analyse d’impact achevée.
  • D’ici à juin 2021, la Commission examinera et proposera de réviser, s’il y a lieu, tous les instruments d’action pertinents afin de parvenir aux réductions supplémentaires des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.
  • La Commission propose l’établissement d’une trajectoire pour l’ensemble de l’UE pour la période 2030-2050 en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de façon à pouvoir mesurer les progrès accomplis et garantir une certaine prévisibilité aux pouvoirs publics, aux entreprises et aux citoyens.
  • En septembre 2023 au plus tard, et tous les cinq ans par la suite, la Commission évaluera la cohérence des mesures nationales et des mesures prises par l’Union au regard de l’objectif de neutralité climatique et de la trajectoire pour 2030-2050.

La Commission sera enfin, propose le texte, «habilitée à adresser des recommandations aux États membres dont les actions seront incompatibles avec l’objectif de neutralité climatique, et ceux-ci auront l’obligation d’y donner suite ou de justifier leur inaction, le cas échéant. La Commission pourra également évaluer la pertinence de la trajectoire et des mesures prises à l’échelle de l’Union».

Enfin, «les États membres seront également tenus d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies d’adaptation visant à renforcer la résilience et à réduire la vulnérabilité aux effets du changement climatique».

Rien de quoi, finalement, répondre à l’urgence climatique, déplorent les élus Verts européens qui, par l’intermédiaire de leur vice-président Philippe Lamberts, déplorent à l’image de Greta Thunberg, que « si les discours ambitieux de la Présidente Von der leyen sur la protection du climat ont de quoi nous séduire, il n’en demeure pas moins vrai que nous restons sur notre faim devant la loi climat qu’elle défend aujourd’hui. En l’état, cette loi programme l’échec du Green Deal qui constitue l’une des pièces maîtresses non seulement de cette Commission mais aussi de la pérennité de la construction européenne». Et Lamberts de rappeler que «nous sommes mis au pied du mur par la communauté scientifique et la jeunesse réclame que nous les écoutions. la réponse politique ne peut être celle qui vient d’être donnée. C’est dès à présent, et non dans six mois, que nous devons nous engager à réduire de 65% de nos gaz à effet de serre! En reportant la proposition d’augmenter l’objectif 2030 à septembre prochain, la Commission européenne prend le risque de faire dérailler la mise en œuvre de l’accord de Paris. Chaque minute de retard compromet nos chances d’obtenir des autres pays qu’ils s’engagent à leur tour à Glasgow en novembre pour sauver le climat et plus généralement notre planète».

Photo: Frans Timmermans, vice-président exécutif de la Commission, chargé du pacte vert pour l’Europe / Photographe: Lukasz Kobus / European Union, 2020 / Source: EC – Audiovisual Service