Brexit: Quelles conséquences en cas d'absence d'accord?

Alors que le Royaume-Uni peine toujours à adopter un plan de sortie de l’Union, la Commission européenne a achevé lundi ses préparatifs en vue d’un Brexit sans accord.

Saisi d’une demande de la Première ministre Theresa May, le Conseil européen (article 50) a accepté, le jeudi 21 mars, de reporter la date de retrait du Royaume-Uni au 22 mai 2019, à la condition que l’accord de retrait soit adopté par la chambre des communes d’ici le 29 mars 2019 au plus tard. En cas de rejet de l’accord de retrait par la chambre des communes d’ici là, le Conseil européen a convenu d’une prorogation jusqu’au 12 avril 2019. Dans ce cas de figure, le Royaume-Uni serait censé indiquer avant cette date une voie à suivre.

Même si l’Union européenne dit encore avoir l’espoir d’éviter ce cas de figure, la conséquence serait que si l’accord de retrait n’est pas ratifié d’ici le vendredi 29 mars, le scénario de l’absence d’accord pourrait devenir réalité le 12 avril. Dans un tel scénario, le Royaume-Uni deviendrait alors un pays tiers ne bénéficiant d’aucun régime transitoire. Dès ce moment, le droit primaire et le droit dérivé de l’Union cesseraient totalement de s’appliquer au Royaume-Uni. Il n’y aurait aucune période de transition telle que prévue par l’accord de retrait. Les relations du Royaume-Uni avec l’Union européenne seraient régies par le droit public international général, y compris par les règles de l’Organisation mondiale du commerce. L’Union devrait alors immédiatement appliquer ses règles et ses droits de douane à ses frontières avec le Royaume-Uni, y compris les vérifications et les contrôles douaniers, sanitaires et phytosanitaires et la vérification du respect des normes de l’UE. De même, les entités du Royaume-Uni ne pourraient plus prétendre aux subventions communautaires ni participer aux procédures de passation de marchés de l’Union selon les modalités actuelles.

Autre conséquence, les citoyens britanniques perdraient leur statut de citoyen de l’Union et seraient, de fait, soumis à des contrôles supplémentaires lors de leurs déplacements dans un État membre de l’Union.

En prévision d’une telle issue, la Commission a néanmoins présenté 19 propositions législatives, dont 17 ont déjà été adoptées ou approuvées par le Parlement européen et le Conseil. Deux propositions doivent encore être finalisées par les deux colégislateurs, «en temps utile», indiquait hier les services du Berlaymont. Celles-ci concernent les politiques suivantes :

– le programme PEACE: la poursuite du programme PEACE sur l’île d’Irlande jusqu’à la fin de l’année 2020. Quant à l’après-2020, la Commission a déjà proposé, dans le cadre de ses propositions en vue du prochain cadre financier pluriannuel, de poursuivre et de renforcer le soutien transfrontalier à la paix et à la réconciliation dans les comtés frontaliers d’Irlande et d’Irlande du Nord;

– le budget de l’UE (en voie d’adoption finale): en cas d’absence d’accord, l’UE sera en mesure d’honorer ses engagements et de continuer d’effectuer des paiements en 2019 en faveur de bénéficiaires britanniques au titre des contrats signés et des décisions prises avant le 30 mars 2019, à condition que le Royaume-Uni respecte les obligations qui lui incombent au titre du budget 2019, et accepte les audits et les contrôles nécessaires;

– les droits de pêche et la compensation financière: ces mesures permettent aux pêcheurs et aux opérateurs des États membres de l’Union de recevoir une compensation au titre du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche pour l’arrêt temporaire des activités de pêche. Elles permettent également à l’UE d’être en mesure d’accorder aux navires britanniques l’accès aux eaux de l’UE jusqu’à la fin de 2019, à la condition que les navires de l’UE bénéficient eux aussi d’un accès réciproque aux eaux du Royaume-Uni;

– les services financiers: mesures temporaires et limitées pour garantir l’absence de toute perturbation immédiate de la compensation centrale des produits dérivés, des services des dépositaires centraux pour les opérateurs européens qui recourent actuellement à des opérateurs britanniques, et pour faciliter la novation, pour une durée déterminée de 12 mois, de certains produits dérivés de gré à gré, lorsqu’un contrat est transféré d’une contrepartie du Royaume-Uni vers une autre de l’UE à 27 post-Brexit;

– la connectivité et la sécurité aériennes: ces deux mesures garantiront une connectivité de base du transport aérien afin d’éviter une interruption totale du trafic aérien entre l’UE et le Royaume-Uni en cas d’absence d’accord;

– la connectivité routière: permet la poursuite de la connectivité de base du transport routier, en toute sécurité, entre l’UE et le Royaume-Uni pour une durée limitée dans le temps, à la condition que le Royaume-Uni accorde un traitement réciproque aux entreprises et aux opérateurs de l’UE;

– la connectivité ferroviaire: garantit la validité des agréments de sécurité pour certaines parties de l’infrastructure ferroviaire pendant une durée strictement limitée à trois mois, afin de permettre la mise en place de solutions à long terme conformes au droit de l’Union. Cette mesure concerne, en particulier, le tunnel sous la Manche et sera subordonnée au maintien, par le Royaume-Uni, de normes de sécurité identiques aux exigences de l’UE;

– les inspections des navires: cette mesure vise à assurer la sécurité juridique et la continuité des activités de transport maritime;

– le réalignement du corridor de réseau central Mer du Nord-Méditerranée: cette mesure ajoute au réseau central de nouvelles liaisons maritimes entre l’Irlande, la France, la Belgique et les Pays-Bas et introduit une nouvelle priorité de financement au mécanisme pour l’interconnexion en Europe (MIE): actions adaptant les infrastructures de transport à des fins de sécurité et de vérification aux frontières extérieures;

– la politique climatique: cette mesure garantit qu’une absence d’accord ne portera pas préjudice au bon fonctionnement ni à l’intégrité environnementale du système d’échange de quotas d’émission.

– le programme Erasmus +: les étudiants et stagiaires en séjour Erasmus+ à l’étranger au moment du retrait du Royaume-Uni peuvent terminer leurs études et continuer de recevoir les financements ou les bourses correspondants;

– les droits en matière de sécurité sociale: les droits (tels que les périodes d’assurance, d’exercice d’une activité salariée ou non salariée ou de séjour au Royaume-Uni avant le retrait) des personnes ayant exercé leur droit à la libre circulation avant le retrait du Royaume-Uni sont préservés;

– la réciprocité des visas (en voie d’adoption finale): possibilité pour les ressortissants britanniques de voyager sans visa dans l’UE à la condition que le Royaume-Uni accorde un régime réciproque et non discriminatoire d’exemption de visa à tous les citoyens de l’Union.

En ce qui concerne les besoins en ressources financières et/ou en assistance technique, les règles actuelles de l’UE dans le domaine des aides d’État permettent de résoudre les difficultés que pourraient rencontrer les entreprises en cas de sortie sans accord. Lesdites règles autorisent par exemple les aides aux services de conseil pour les petites et moyennes entreprises (PME) ou les aides à la formation qui pourraient être mises à profit pour faciliter la préparation des PME (notamment aux formalités douanières qui pourraient exister à l’avenir). Les lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté contiennent des dispositions sur des régimes de soutien temporaire à la restructuration des PME qui pourraient s’avérer utiles pour résoudre tout problème de liquidité causé par le Brexit. L’accès à des financements est disponible sous diverses formes, par exemple par l’intermédiaire de régimes de prêt financés par l’État respectant le taux de référence, ou de garanties d’État au titre de la communication sur les garanties.

Une assistance technique et financière de l’Union européenne peut aussi être mise à disposition dans certains domaines, par exemple la formation d’agents des douanes dans le cadre du programme Douane 2020. D’autres programmes peuvent venir en aide à des projets de formation similaires dans le domaine des contrôles sanitaires et phytosanitaires. Dans le secteur de l’agriculture, le droit de l’Union prévoit un éventail d’instruments pour réagir aux effets les plus immédiats du retrait britannique, notamment en cas d’absence d’accord.

Photo : Michel Barnier, négociateur en chef sur le Brexit / © European Union, 2017 / Auteure: Jennifer Jacquemart