Agriculture: L'Italie déPouilles de leur sang ses travailleurs africains

«Je travaille 8 à 10 heures par jour pour 30 euros, avec seulement 30 minutes de pause à midi, et je dois encore verser 5 euros chaque jour pour le transport» a dénoncé, hier, un Malien de 22 ans, en marge d’une manifestation de travailleurs migrants à Foggia, dans le sud-est de l’Italie, au cours de laquelle ceux-ci ont appelé à plus de respect après la mort de 16 d’entre eux, tués dans deux accidents de la route en l’espace de 48 heures. Disposant pour certains d’un contrat de travail, mais n’ayant quasiment jamais de fiche de paie, et rémunérés bien en-deçà du salaire minimum dans l’agriculture italienne qui s’élève à 48 euros brut pour des journées de 7 heures maximum, ceux-ci ont à cette occasion tenté de sensibiliser l’opinion publique et la classe politique sur leurs conditions sociales contraignant également plusieurs d’entre eux à loger dans des squats ou des bidonvilles en rase campagne. Aux cris de «Plus jamais des esclaves», «Nous sommes des travailleurs, pas de la viande de boucherie» ceux-ci ont plus particulièrement cherché à alerté sur la situation des ramasseurs de tomates dans la région des Pouilles, «où des milliers d’ouvriers agricoles africains mais aussi polonais, bulgares ou roumains passent l’été à ramasser sous un soleil de plomb» dans l’indifférence la plus totale.

La Coldiretti, le principal syndicat agricole, s’est pour sa part retranché derrière les pressions du marché, expliquant que dans une bouteille de coulis de tomates vendue 1,30 euro dans les supermarchés italiens, la tomate représentait 8% du prix, contre 10% pour la bouteille, 18% pour le traitement industriel et 53% pour la distribution.

Venu rencontrer les autorités mais aussi des représentants des ouvriers agricoles, le ministre de l’Intérieur, Matteo Salvini a pour sa part promis une multiplication des contrôles, prévenant que la situation actuelle découlait d’un «problème de mafia» dans la province de Foggia, qu’il avait «l’intention d’éradiquer rue par rue, village par village, par tous les moyens légaux». Un engagement politique du chef de file de l’extrême droite italienne qui ne semble guère avoir convaincu de nombreux manifestants, pour la grande majorité en situation régulière, à l’image de Kogyate Diakine, un Ivoirien de 41 ans installé en Italie depuis 12 ans, qui confiait hier à l’AFP : «Tu sais combien coûtent les tomates italiennes? Le prix du sang des Africains». Et Barri Alfa, un autre Ivoirien arrivé il y a 15 ans, de résumer: «Nous sommes découragés et mal accueillis. Ici, nous ne sommes rien».

 

Photo: Andy Nguyen sous creative commons