Parlement Européen à Strasbourg: Le siège en bonne voie?

l’Appel de Strasbourg suggère que les instances de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, prennent une forme pérenne et deviennent «une convention permanente».

 

Où cette convention pourrait-elle siéger si ce n’est à Strasbourg?

On prête à Napoléon III, devant qui un député affirmait (à tort!) que l’Italie en marche vers son unité n’occuperait jamais les Etats Pontificaux et Rome, ce propos que tous les hommes politiques du monde connaissent (!): «Ne dites jamais que jamais veut dire jamais!» Le regretté David-Maria Sassoli avait oublié cette sage affirmation, lorsque, Président du Parlement Européen, il affirmait à Emmanuel Macron que l’institution qu’il présidait, n’occuperait pas le nouvel espace de travail, dit «bâtiment Osmose, que les collectivités locales avaient fait construire, avec l’appui des pouvoirs publics, pour anticiper un développement éventuel des effectifs actuels (entre 250 et 300 personnes) présents à Strasbourg et leur offrir de meilleures conditions de travail. Après plusieurs échanges (dont certains assez vifs!) avec le président français, l’opposition du président Sassoli avait molli!…

Et voilà que Clément Beaune, le secrétaire d’Etat aux Affaires Européennes, annonce, le 16 février, dans un entretien accordé aux Dernières nouvelles d’Alsace, qu’un accord sur le devenir du bâtiment aurait été trouvé avec Roberta Metsola, la nouvelle présidente maltaise du Parlement Européen.

Une jeune présidente qui ose s’affirmer?

Osmose, affirme le Ministre, serait acheté par l’institution parlementaire qui, en contrepartie, vendrait un de ses bâtiments actuels. Ce dernier deviendrait… une résidence hôtelière qui pourrait être utilisée par les parlementaires et leurs équipes (sans doute au… grand dam des hôteliers strasbourgeois, si prompts à toujours se plaindre!). Une fois finalisé, l’accord, qui doit encore traverser quelques obstacles décisionnels propres au Parlement, offrira une issue heureuse à un dossier compliqué que la nouvelle présidente aura (déjà) marqué de sa «patte»!

Une nouvelle présidente qui, d’entrée de jeu, avait souligné au moment de son élection que, pour elle, jeune présidente (43 ans), et troisième femme à présider l’Institution, Strasbourg était le «siège évident» du Parlement Européen. «Cette année marque le 75ème anniversaire de notre présence à Strasbourg», devait-elle souligner lors de son investiture, en précisant: «Cette ville, cette région, acte géographiquement une séparation des pouvoirs et offre, par conséquent, une garantie démocratique, et fait de notre assemblée une institution incarnée, proche et accessible, au service des citoyens. Tout cela, en fait un lieu évident pour notre institution.» C’est ce qu’Emmanuel Macron dit, évoquant les positions de ceux qui voudraient un siège unique pour le Parlement à Bruxelles: «…L’Europe, à laquelle nous tenons, n’a pas un centre unique, elle est polycentrique, ses piliers sont présents dans plusieurs pays.»

Et si on appelait le Conseil de l’Europe.

De quoi rassurer les partisans du Parlement Européen sur les bords du Rhin où siège déjà la Cour Européenne des Droits de l’Homme et le Conseil de l’Europe (CoE), dont l’absence dans le conflit ukrainien – alors que la Fédération de Russie, l’Ukraine ou… la Géorgie sont membres du Conseil – n’a, hélas, été relevé par personne! Il est vrai que lorsqu’on évoque le problème de la Turquie en Europe, on ignore systématiquement que la Turquie fait partie des 47 pays membres du Conseil de l’Europe! Une institution qui, du temps de l’espagnol Marcelino Oreja et de la française Catherine Lalumière, était le promoteur du rapprochement entre l’Est et l’Ouest du continent: mais qui connaît aujourd’hui la Croate Marya Pëjcinovic Buric, actuelle secrétaire générale du CoE?

Avec l’arrivée à la tête du Parlement européen, d’une présidente favorable au siège strasbourgeois, les partisans du «pro-Strasbourg» ont pu apprécier l’arrivée à la vice-Présidence de l’institution de la tchèque Ditaz Charanzova, également favorable à Strasbourg, et l’élection en tant que questeur de la député européenne Fabienne Keller, ancienne maire de Strasbourg, ancienne sénatrice du Bas-Rhin. Elle est venue rejoindre sa collègue Anne Sander, premier questeur depuis 2019, pour former un «tandem pro-Strasbourg».

Le faux tandem de Strasbourg!

Un tandem qui risque, malheureusement, d’être un peu affaibli si Anne Sander, candidate aux élections législatives, devait entrer à l’Assemblée nationale et devrait, de ce fait, abandonner son siège (serait-il considéré comme secondaire?) au Parlement européen, pour éviter un cumul de mandats.

L’actualité du Parlement européen nous livre des raisons de voir consolider le siège strasbourgeois. D’autant que la mobilisation locale, trop souvent disparate et rare dans le passé, s’investit enfin dans l’assise de l’institution: c’est ce qu’il fallait retenir de la création de «l’Agora Strasbourg Capitale Européenne» qui fédère, depuis 2020, les acteurs et actrices du territoire autour des enjeux liés au statut européen de Strasbourg. L’association vient de lancer un «Appel de Strasbourg» dans le cadre de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, vaste consultation des citoyens sur l’avenir de l’Europe qui avait été lancée le 9 mai dernier dans la métropole alsacienne, en présence d’Emmanuel Macron, d’Ursula von der Leyen et de David-Maria Sassoli. Les résultats de cette consultation sur la vision que les Européens ont de leur Europe, seront présentés le 9 mai à Strasbourg.

Une «Assemblée Constituante» pour l’Europe.

L’Appel de l’Agora souligne le rôle de Strasbourg («dont la situation est unique en Europe, comme capitale sans être une capitale d’Etat») dans l’émergence de la démocratie européenne. Il insiste sur la situation transfrontalière de la ville au cœur de la région du Rhin Supérieur. Il plaide pour une relance de l’Europe en passant notamment par une… «convention constituante» qui adopterait un nouveau traité!

Les anciens se souviendront peut-être, en marge de cette demande, qu’en novembre 1957, 3.000 Alsaciens réunis au Wacken, avaient réclamé – sans succès – l’élection d’une Assemblée Constituante chargée d’élaborer les bases des Etats-Unis d’Europe! En conclusion, l’Appel suggère que les instances de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, prennent une forme pérenne et deviennent «une convention permanente». Où cette convention pourrait-elle siéger si ce n’est à Strasbourg? Le texte ne le dit pas, mais le contexte ne peut que conduire à cette hypothèse!

Et si on parlait de… Saint Just?

Voilà donc, confortée dans ses convictions, «Strasbourg, capitale européenne de la démocratie», «ville-symbole d’une grande partie de notre histoire», comme le disait Ursula von der Leyen. Reste à la ville du Parlement européen à poursuivre, sans relâche, sa «bataille» contre ceux qui persistent à prôner une alternative bruxelloise. «Il n’y a que ceux qui sont dans les batailles qui gagnent», disait un certain Louis Antoine de Saint Just, le révolutionnaire… inspirateur de la «Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen».

Alain Howiller est chroniqueur pour Eurojournalist.eu, ancien rédacteur en chef des Dernières nouvelles d’Alsace / Photo: Drapeaux européens et italiens en berne en hommage à David Sassoli, Président du Parlement européen (2019-2022) devant le Parlement européen à Strasbourg / Photographe: Denis Lomme / European Union 2022 – Source: EP

© EuTalk / www.eutalk.eu – ISSN 2116-1917 / Les propos exprimés par l'intervenant sont l'expression d'une réflexion personnelle. Ils n’engagent que leur auteur, et en aucun cas l’institution à laquelle il appartient ou qui l'accueille.