Elections législatives allemandes: Ménage à trois !

En attendant un accord de gouvernement, Angela Merkel pourrait être l’interlocutrice d’Emmanuel Macron lorsque ce dernier prendra la présidence du Conseil Européen, le 1er janvier!

Il faut remonter aux années cinquante et à la chancellerie occupée par Konrad Adenauer pour trouver la trace d’un gouvernement allemand reposant sur une coalition à trois partenaires! Les électeurs de ce 26 septembre n’auront pas à faire œuvre d’historiens: ils vont vivre un gouvernement à trois composantes et l’expérience de… «ménage à trois» ne devra rien aux classiques du vaudeville!

Les résultats des élections, qui ont bénéficié d’un taux de participation record (76,6% inscrits sont allés voter!), font qu’une coalition à deux partis – du type de la «Grande Coalition SPD/CDU» (GroKo) sortante – est de fait exclue. Si mathématiquement, une telle coalition disposerait d’une courte majorité, les deux partis l’ont exclue avant et après l’élection de dimanche. Une telle constellation à trois a failli être le cas, en 2017: Angela Merkel voulait alors une coalition «CDU/Verts/FDP». Devant la dérobade du FDP, qui ne voulait pas d’une alliance avec les Verts, elle s’est rabattue sur la «GroKO» qui disposait alors de la majorité nécessaire.

Malgré le concours d’Angela Merkel!

Ce n’est plus le cas aujourd’hui. La CDU/CSU, qui avait déjà marqué un recul important en 2017, vient de connaître une défaite historique en recueillant 24,1% des voix (-8,9% par rapport aux précédentes élections législatives!). Créditée au début de l’été de 20% d’intentions de vote, la CDU avait pourtant réussi à redresser la barre, grâce à une campagne plus dynamique de sa tête de liste – Armin Laschet – et, surtout, à un soutien public d’Angela Merkel!

Cela n’a pas suffi pour dépasser le parti social-démocrate SPD dont le taiseux candidat Olaf Scholz, Vice-Chancelier et Ministre des Finances de la «GroKo», n’a pas hésité, pendant des semaines, à jouer une certaine continuité avec la chancelière sortante, alors que cette dernière hésitait encore à s’engager en faveur du candidat CDU!

L’étonnant retour du SPD

Alors que le SPD ne cessait de régresser à 15/16% d’intentions de vote jusqu’à se classer derrière les Verts (!), le candidat Scholz a réussi à obtenir 25,7% de voix: selon certaines études, 1,3 million d’ex-votants chrétiens-démocrates de 2017 se seraient même reportés sur lui! Arrivé en tête aux élections, il est disposé à engager des négociations pour former une coalition avec les «Verts» (14,8% de voix obtenues, soit +5,8% par rapport à 2017) et le FDP (11,5% de voix obtenues, soit +0,7%). Comme rien dans la «loi fondamentale» ne prévoit que le parti arrivé en tête bénéficie d’une préférence pour former le gouvernement, Armin Laschet, qui se bat aussi pour rester patron de la CDU, se déclare, lui aussi, prêt à engager des pourparlers avec les Verts et le FDP!

Voilà donc SPD comme CDU qui vont courtiser les mêmes futurs partenaires! Olaf Scholz qui avait, avant les élections, souligné qu’il ne voulait plus d’une alliance avec la CDU, va engager ses négociations: ses préférences vont vers une coalition qui fonctionne déjà en Rhénanie-Palatinat entre SPD, les Verts et le FDP. Markus Söder, le ministre-président de la branche bavaroise de la CDU, que les démocrates-chrétiens regrettent amèrement de ne pas avoir choisi au lieu d’Armin Laschet, a, quant à lui, exprimé ses souhaits: une coalition… CDU-CSU/Verts/FDP! Bien que disposé à négocier un accord avec les Verts, Christian Lindner, le président du FDP, a manifesté sa préférence pour une coalition CDU/Verts/FDP: c’est lui qui, en 2017, avait fait capoter l’accord que souhaitait conclure Angela Merkel.

Une coalition pour… Noël?

Mais fort de cette expérience qui s’était finalement retournée contre son parti, Lindner s’est décidé, cette fois, de négocier d’abord un accord avec les Verts. Les deux, qui veulent absolument participer au gouvernement, soumettront alors leurs exigences communes à la CDU-CSU et au SPD et concluront une coalition avec l’un ou l’autre! On voit que les négociations risquent de ne pas être faciles: en 2017, les négociations de coalition ont mis près de… 6 mois pour aboutir!*

SPD et CDU souhaitent conclure d’ici à Noël! Cela évitera à Angela Merkel, à qui une jeune élue SPD vient de succéder au poste de députée dans sa circonscription qu’elle occupait depuis trente ans (!), de devoir tenir une éventuelle allocution de Noël, voire de présenter à la télévision ses vœux traditionnels de… Nouvel An! En attendant cet accord de gouvernement, la Chancelière – qui attend pour prendre sa retraite – doit expédier les affaires courantes avec cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête: devoir participer aux prochaines rencontres internationales (notamment, en décembre, un G20) et être, éventuellement, l’interlocutrice d’Emmanuel Macron lorsque ce dernier prendra la présidence du Conseil Européen, le 1er Janvier!

*Les deux partis-leaders ont décidé que ni l’extrême-gauche (« Die Linke » qui aura 39 députés), ni l’extrême-droite AfD qui aura 83 élus) ne pourront participer à une coalition de gouvernement.

Alain Howiller est chroniqueur pour Eurojournalist.eu, ancien rédacteur en chef des Dernières nouvelles d’Alsace / Photo: Olaf Scholz / Deutsche Bundesbank sous licence creative comons

© EuTalk / www.eutalk.eu – ISSN 2116-1917 / Les propos exprimés par l'intervenant sont l'expression d'une réflexion personnelle. Ils n’engagent que leur auteur, et en aucun cas l’institution à laquelle il appartient ou qui l'accueille.