Santé: Comment Strasbourg pilote le contrôle des lots de vaccins COVID19 en Europe

«Nous définissons les standards, l’Agence européenne du médicament et les agences nationales veillent à leur respect» (Susanne Keitel, directrice de l’EDQM)

Au sein du Conseil de l’Europe (COE), la Direction européenne du médicament et soins de santé (EDQM) est un service à part entière qui dispose de son propre bâtiment ultra moderne à proximité du vaisseau amiral et de la Cour européenne des droits de l’homme. Pour discret qu’il soit aux yeux du grand public, son rôle est essentiel, particulièrement en ces temps de pandémie.

Ce rôle découle la «Convention relative à l’élaboration d’une pharmacopée européenne» adoptée par le Conseil de l’Europe en 1964, entrée en vigueur en 1974 et à ce jour ratifiée par 39 Etats membres et par l’Union européenne. «Cette ratification de l’UE intervenue en 1994 rend la Convention d’autant plus contraignante que les Directives européennes relatives à la qualité des médicaments humains et vétérinaires font de la conformité aux monographies de la Pharmacopée européenne une exigence pour l’autorisation de mise sur le marché (AMM)», souligne le docteur Susanne Keitel, directrice de l’EDQM. «Nous définissons les standards, l’Agence européenne du médicament (AEM) et les agences nationales avec laquelle nous collaborons veillent à leur respect».

Incontournables, les normes définies par la Pharmacopée européenne devaient rester accessibles pendant la pandémie et, dès mars dernier, l’EDQM a créé un accès libre à ses mises à jour. «Il fallait que, même confinés, les professionnels du médicament puissent continuer à travailler», précise le docteur Keitel en ajoutant que l’EDQM a notamment œuvré avec la Pharmacopée britannique à la publication Web de normes relatives aux thérapies envisagées comme traitement à la COVID19.

L’énorme enjeu de la sécurité des vaccins

Outre ce rôle réglementaire (3.000 normes en 50 ans), l’EDQM assure une mission de coordination du contrôle indépendant de la qualité des vaccins qui s’avère aujourd’hui cruciale. «Depuis mars, nous travaillons avec l’Agence européenne du médicament et la Commission européenne à la préparation de contrôles indépendants des lots de vaccins Covid19 qui seront autorisés», explique le docteur Laurent Mallet, chef du département en charge du réseau européen des laboratoires nationaux de contrôle des médicaments (réseau OMCL). «Il fallait anticiper les lignes directrices à mettre en place au sein des laboratoires qui seront en charge de la vérification de la totalité des vaccins avant leur administration aux patients (réseau spécialisé OCABR); échanger avec eux; interagir avec les fabricants de vaccins les plus avancés. Le tout pour être opérationnels au moment où les autorisations conditionnelles de mises sur le marché seront validées par la Commission européenne».

Fondé sur le processus de reconnaissance mutuelle en Europe, ce travail de coordination et de partage des programmes de contrôles a permis «de se mettre d’accord sur les tests qui seraient pratiqués dans les laboratoires OCABR sur l’ensemble des vaccins autorisés». «L’urgence nous a obligés à anticiper», résume le Docteur Mallet. «Une fois les tests définis, les fabricants ont sélectionné les laboratoires de contrôle en fonction de leur «capabilité» sur la liste que nous leur avons communiquée. Au vu de la quantité importante de lots qui s’annonce, nous leur avons conseillé d’en choisir au moins deux pour maximiser l’utilisation de la capacité du réseau.

«Conformément à la procédure européenne obligatoire – en particulier pour tout nouveau vaccin – tous les lots seront libérés et testés par le réseau OCABR coordonné par la Direction européenne du médicament et soins de santé en parallèle des tests effectués par les fabricants. Et ceux qui seront administrés dès janvier – après l’autorisation donnée par la Commission européenne sur avis du «Comité des Médicaments à usage humain» émanant de l’Agence européenne du médicament – seront testés par anticipation puis libérés avec émission du certificat OCABR lorsque l’autorisation conditionnelle de mise sur le marché sera approuvée par la Commission européenne.

Tous les lots délivrés dans l’Union européenne seront testés

«Nous n’en sommes qu’au début de ce suivi au long cours de centaines de milliers de lots correspondant à des milliards de doses», prévient le Docteur Mallet. «Plusieurs autres vaccins COVID19 se profilent, que ce soit ceux prochainement disponibles à ARN messager (ex. BioNTech/Pfizer dont l’AMM a été délivrée le 21 décembre) et Moderna à l’horizon de mi-janvier), à vecteurs viraux (ex.Astra Zeneca et Janssen également prévu en début d’année) ou protéines recombinantes (sur lesquels travaillent par exemple Sanofi en France avec GSK en Belgique prévus fin 2021)».

Anticipation et organisation optimale resteront les maîtres mots des process mis en œuvre par l’EDQM qui devra en outre continuer à assurer l’ensemble de ses missions. De «Secrétariat à la Convention sur l’élaboration d’une Pharmacopée européenne» en 1964, l’entité que dirige le docteur Keitel s’est transformée en «Service européen de la qualité des médicaments» en 1996 et ensuite en «Direction». «Son portefeuille s’est élargi et inclut désormais des lignes directrices et recommandations concernant les soins pharmaceutiques, la classification des médicaments selon leur délivrance, la qualité et la sécurité des transfusions de sang et de produits sanguins, des transplantations d’organes, de tissus et de cellules ainsi que – depuis 2009 – la publication de recommandations pour améliorer la qualité des produits cosmétiques et des matériaux pour contact alimentaire».

Un travail au service du droit humain fondamental que constitue l’accès à des soins de santé de qualité et la protection de la santé publique.

Véronique Leblanc est journaliste, correspondante à Strasbourg en charge des questions européenne pour la Libre Belgique et l’Agence Europe / Photo: Service presse Pharmacopée

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