COVID-19 : Cuisine et dépendances au Parlement

Au Parlement, tout a été pris en charge par l’institution, jusqu’au coût financier du nettoyage et de la désinfection.

Centre de tests, livraison de repas, don de masques: les institutions européennes solidaires de Strasbourg face à la pandémie

Ils étaient une douzaine à patienter devant le Parlement européen de Strasbourg le 13 mai dernier, juste avant l’ouverture à 10h du tout nouveau centre dépistage Covid-19 opérationnel depuis le lundi 11 mai, premier jour de déconfinement en France. Tous «cas contact» ou «personne à risques» asymptomatiques, munis d’une ordonnance médicale et dotés d’un rendez-vous avec l’un des quatre laboratoires mandatés pour effectuer les tests.

Première étape, sur le parvis de l’emblématique bâtiment «Louise Weiss», la tente des sapeurs pompiers du Bas-Rhin pour une vérification administrative et quelques questions sur l’état général des patients. En cas de fièvre ou de symptômes récents, la personne est directement orientée vers l’infirmerie du Parlement avec, si nécessaire, une téléconsultation avec «SOS médecin» diligentée par les pompiers.

Un centre de test au «Louise Weiss»

«Il est indispensable de garder séparées les personnes symptomatiques des asymptomatiques», insiste Stéphanie Jaeggy, déléguée territoriale adjointe à l’Agence régionale de Santé du Bas-Rhin (ARS), heureuse de la mise en service de ce «centre de dépistage massif» dont la capacité est de 2.000 à 2.400 tests quotidiens analysés en 24 heures par les automates acquis par le Centre Hospitalier universitaire de Strasbourg et plusieurs laboratoires de la ville. «La Convid-19 est une maladie grave rappelle Stéphanie Jaeggy, le dépistage est très important dans la stratégie française qui veut casser la chaîne de contagion en traçant les cas contacts et en identifiant le plus rapidement possible les personnes infectées pour les isoler». Une stratégie nationale qui prend un sens particulier dans un Grand Est encore marqué par le «cluster» de Mulhouse et toujours classé «zone rouge» du fait d’une capacité en lits de réanimation qui reste sous tension.

Du parvis, les personnes sont invitées à contourner le bâtiment sur quelque 200 mètres pour pénétrer à l’intérieur, directement dans la zone initialement réservée aux self-service du Parlement. Là, elles sont orientées vers les boxes correspondant au laboratoire avec lequel elles ont rendez-vous pour un test PCR (frottis naso-pharyngé pratiqué à l’aide d’un écouvillon inséré dans les narines) destiné à repérer la présence – ou pas – du virus. Le patient a le choix de le subir assis ou débout, on lui demande de baisser le masque en dégageant le nez mais en gardant la bouche couverte. «Pas vraiment douloureux, désagréable mais très rapide», préviennent les médecins. Les écouvillons sont ensuite placés dans une pochette pré-étiquetée et transmise au laboratoire d’analyse par des coursiers qui effectuent plusieurs livraisons par jour.

Les services du Parlement sur le pont

«La zone cantine» n’a pas été choisie au hasard, précise Alexandra De Wael, Ingénieur à la Direction de l’Infrastructure du Parlement européen. Dès l’annonce de la mise à disposition des bâtiments du Parlement européen par le président David Sassoli, nous nous sommes mis en contact avec la Préfecture du Bas-Rhin qui nous a orientés vers l’Agence Régionale de santé afin de voir comment nous pourrions être le plus utiles. L’idée d’un centre de dépistage installé dans une infrastructure bâtie et s’ajoutant aux quelque 70 «drives» de dépistage régionaux s’est rapidement imposée. Très vaste et à l’écart d’un centre ville très resserré, le Parlement est accessible tant en voiture qu’à vélo ou en transport en communs. Les selfs quant à eux sont accessible de l’extérieur et offrent l’avantage d’être entièrement carrelés et donc bio-nettoyables à la différence des très nombreux espaces «moquette» du Parlement. Ils sont, de plus, dotés d’un système de renouvellement d’air bien plus performant que dans les espaces «bureaux». Nous l’avons poussé au maximum, dépassant ainsi les normes françaises en matière de laboratoires».

Préfecture, Ville de Strasbourg, ARS et Services du Parlement ont oeuvré de concert afin de finaliser le projet. Le Parlement a travaillé avec ses sous-traitants habituels pour réaliser les 21 boxes de prélèvement. «Ils ont tous répondus présents malgré le confinement, souligne Alexandra De Wael. Le seul problème que nous ayons rencontré a été celui de la fourniture de matériaux, entravée par les circonstances, mais nous avons au final utilisé des stocks déjà présents.» Tout a été pris en charge par le Parlement européen, de même qu’au quotidien, il supporte le coût financier du nettoyage et de la désinfection. La Convention signée entre l’institution et l’Etat français court jusque fin juillet. La reprise des sessions plénières est quant à elle prévue en septembre.

Les cuisines mobilisées

Cette «solidarité européenne concrète», voulue dès le début du mois d’avril par David Sassoli, président du Parlement européen, s’exprime également par la mise à disposition des cuisines du Parlement européen à Strasbourg. Huit salariés de la société Eurest, mis en chômage partiel au début du confinement, ont ainsi pu reprendre une activité à temps plein et confectionnent, depuis le 29 avril, 500 repas par jour conditionnés sous blister individuels, collectés par la Croix-Rouge et livrés dans des lieux de vie collective à des familles monoparentales et des jeunes en situation de précarité. Cette distribution fonctionne 7 jours sur 7, les repas du week-end étant livrés lors de la distribution du vendredi. Ici encore, le projet a été mené en concertation entre la Préfecture, la Ville et les services du Parlement européen. «Nous avons, au sein de l’institution, un groupe de liaison avec les collectivités territoriales de nos villes-hôtes, les administrations se connaissent et peuvent travailler efficacement», précise l’eurodéputée alsacienne Anne Sander (Parti populaire européen), active dans la mise en place de ces initiatives en tant que questrice du Parlement européen et déterminée à en faire la «promotion» et la «pédagogie» auprès de ses collègues. Le dispositif est également prévu jusque fin juillet, afin de «parer au plus pressé» des conséquences de la pandémie sur des personnes déjà fragiles. Il devrait permettre, à terme, de maintenir 20 emplois temps plein au sein de la société Eurest.

Don de masques par le Conseil de l’Europe

Autre institution européenne installée dans la Ville de Strasbourg, le Conseil de l’Europe a adopté depuis le début de la crise sanitaire les prescriptions françaises en matière de confinement. Il a poursuivi ses activités essentiellement en télétravail et par visio-conférences en réduisant au maximum la présence physique des fonctionnaires dans les locaux et n’a pas mis en place d’actions comparables à celles proposées par le Parlement européen.

Très vite cependant, dès le 20 mars, il a offert à l’Agence Régionale de Santé Bas-Rhin un stock de 80 000 masques médicaux constitué en 2009-2010, lors de l’épidémie de grippe A (H1N1). Tout comme le Parlement européen, son assemblée parlementaire ne prévoit de se réunir en session plénière qu’en septembre. Commission permanente et Bureau siègeront pour leur part aux dates de la session de juin (du 22 au 26) et pourront entamer en visio-conférence l’examen des cinq rapports estampillés «Covid-19» d’ores et déjà en préparation au sein des commissions concernées.

Véronique Leblanc est journaliste en poste à Strasbourg pour l’Agence Europe et à La Libre Belgique

Photo: Bâtiment du Parlement européen transformé en centre de dépistage COVID-19 / Michel Christen / Service presse du Parlement européen

© EuTalk / www.eutalk.eu – ISSN 2116-1917 / Les propos exprimés par l'intervenant sont l'expression d'une réflexion personnelle. Ils n’engagent que leur auteur, et en aucun cas l’institution à laquelle il appartient ou qui l'accueille.