Maroš Šefčovič: «Je suis résolu à faire en sorte que le droit d’initiative parlementaire soit renforcé»

Accords internationaux : «Je suis résolu à garantir une égalité de traitement entre le Parlement européen et le Conseil en ce qui concerne la fourniture d’informations et de documents»

Premier à passer lundi 30 septembre sur le grill des auditions parlementaires, Maroš Šefčovič, candidat à la vice-présidence de la Commission chargé des relations interinstitutionnelles et de la prospective, transmettait quelques jours plus tôt ses réponses aux premières questions des élus dont dépend désormais sa nomination définitive. Dans cet extrait publié par EuTalk, l’ancien Commissaire slovaque précédemment en charge du portefeuille de l’Union énergétique, y détaille notamment ses engagement en matière de renforcement des pouvoirs du Parlement.

Quels engagements spécifiques êtes-vous prêt à prendre en termes de transparence renforcée, de coopération accrue et de prise en compte effective des positions et demandes d’initiative législative du Parlement? Concernant les initiatives envisagées ou les procédures en cours, êtes-vous prêt à informer le Parlement et à lui fournir des documents sur un pied d’égalité avec le Conseil?

Une coopération interinstitutionnelle effective et sincère est essentielle pour le bon fonctionnement du système institutionnel de l’UE, ainsi que pour l’efficience et la légitimité du système décisionnel de l’UE. Elle se fonde sur certains principes directeurs que je m’engage pleinement à suivre. Il s’agit notamment de l’ouverture, de la confiance mutuelle, de l’efficience et de l’échange régulier d’informations. Les orientations politiques et les lettres de mission de la présidente élue, Ursula von der Leyen, reflètent pleinement ces principes, et mettent l’accent sur l’objectif consistant à renforcer le lien particulier entre le Parlement européen et la Commission. Ce faisant, je ferai en sorte que les dispositions de l’accord-cadre de 2010 sur les relations entre le Parlement européen et la Commission européenne et de l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer» de 2016 soient respectées et intégralement mises en œuvre.

A titre d’exemple, en matière de prise en compte des positions et des demandes d’initiative législative du Parlement, la présidente élue, Ursula von der Leyen, soutient un droit d’initiative pour le Parlement européen. Elle s’est engagée à ce que, lorsque le Parlement, statuant à la majorité de ses membres, adoptera des résolutions demandant à la Commission de présenter des propositions législatives, le collège réponde par un acte législatif, dans le plein respect des principes de proportionnalité et de subsidiarité ainsi que de l’accord «Mieux légiférer». Dans ce cadre, je veillerai à ce que tous les membres de la Commission collaborent étroitement avec les commissions parlementaires concernées et soient actifs et présents au cours de l’élaboration des résolutions en vertu de l’article 225 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Je veillerai également à ce que ces résolutions soient examinées au niveau du collège en temps utile. Je suis fermement convaincu que cela permettra d’améliorer le dialogue, d’entretenir la confiance et d’œuvrer ensemble à la réalisation d’un objectif commun.

En matière de coopération générale, j’aiderai également Ursula von der Leyen à réaliser ses objectifs déclarés consistant à ce que tous les commissaires collaborent avec le Parlement européen à toutes les étapes du processus d’élaboration des politiques et du dialogue politique, ce qui renforcera notre participation au niveau politique à toutes les réunions des commissions et à toutes les discussions en trilogue pertinentes.

De même, je veillerai à ce que les commissions parlementaires soient associées à toute réalisation majeure relevant de ma responsabilité. Je garantirai le traitement équitable du Parlement et du Conseil au cours de la procédure législative ordinaire et en tant que membre du collège devant répondre de ses actes devant les membres du Parlement européen directement élus.

Enfin, pour que l’Union inspire à nouveau confiance aux citoyens, ses institutions devraient être ouvertes et irréprochables en matière de transparence. Je travaillerai ainsi en étroite collaboration avec le Parlement européen et le Conseil afin de renforcer celle-ci tout au long du processus législatif. Les citoyens devraient savoir qui, en tant qu’institutions à leur service, nous rencontrons et avec qui nous discutons, ainsi que connaître les positions que nous défendons dans le cadre du processus législatif. Le renforcement de la coopération interinstitutionnelle en promouvant la transparence et l’obligation de rendre des comptes stimulera la confiance dans les institutions de l’UE. Je suis donc fermement résolu à mettre en œuvre les dispositions de large portée en matière de transparence et de circulation des informations qui figurent dans l’accord-cadre sur les relations entre le Parlement européen et la Commission et dans l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer» de 2016. En particulier, je veillerai à ce que ces dispositions soient respectées dans le cadre de mes dialogues structurés et des autres contacts que j’entretiendrai avec les commissions parlementaires. Je continuerai à soutenir la mise en place d’une base de données commune sur les dossiers législatifs en coopération avec les autres institutions, comme convenu dans l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer» de 2016. Des efforts supplémentaires seront en outre nécessaires en vue de l’intégration du registre des actes d’exécution et des actes délégués, et pour la finalisation des négociations interinstitutionnelles sur le registre de transparence.

Dans le prolongement de ma déclaration ci-dessus sur la garantie que les commissions parlementaires seront associées à toute réalisation majeure relevant de ma responsabilité en même temps et sur le même pied que le Conseil, je suis pleinement conscient que la fourniture d’informations et de documents est un aspect essentiel de l’approfondissement du partenariat entre le Parlement européen et la Commission. C’est la raison pour laquelle je m’engage à mettre pleinement en œuvre les dispositions applicables de l’accord-cadre entre les deux institutions, ainsi que de l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer».

Comment entendez-vous justement faciliter et accélérer les négociations concernant les modalités pratiques de la coopération et de l’échange d’informations relatives aux accords internationaux?

Les négociations entre les trois institutions en vue d’élaborer des modalités pratiques en matière de coopération et d’échange d’informations sur les accords internationaux ont considérablement progressé, mais ne sont pas terminées. Par conséquent, et conformément au point 40 de l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer», j’encouragerai toutes les parties à reprendre les négociations politiques et je suis disposé à collaborer davantage avec le Conseil et avec les États membres pour mener à bien ce processus. En ce qui concerne la Commission, en ma qualité de vice-président chargé des relations interinstitutionnelles, j’encouragerai mes collègues à informer régulièrement le Parlement européen, notamment avant des événements majeurs et aux stades clés des négociations internationales. Je travaillerai notamment en étroite collaboration avec le haut représentant, qui est chargé de coordonner l’action extérieure et d’informer le Parlement européen. De manière plus générale, je suis résolu à garantir une égalité de traitement entre le Parlement européen et le Conseil en ce qui concerne la fourniture d’informations et de documents.

Pourriez-vous également indiquer quels autres engagements concrets vous êtes prêt à prendre pour renforcer le droit d’initiative du Parlement – en des termes généraux ou dans des domaines d’action spécifiques – en particulier en ce qui concerne des propositions de modification des traités, une modification de l’accord-cadre entre le Parlement européen et la Commission et/ou une modification de l’accord interinstitutionnel «Mieux légiférer»?

Je soutiens, comme l’a indiqué la présidente élue von der Leyen dans ses orientations politiques, un droit d’initiative pour le Parlement européen. Je suis résolu à faire en sorte que ce droit d’initiative soit renforcé, afin que la Commission puisse répondre aux résolutions parlementaires adoptées en vertu de l’article 225 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne par une majorité de ses membres au moyen d’un acte législatif, dans le plein respect des principes de proportionnalité et de subsidiarité, ainsi que de l’accord «Mieux légiférer». Mais, afin d’assurer un suivi rapide de ces résolutions législatives, nos institutions doivent engager dès le départ un dialogue constructif et transparent. La Commission proposera pour sa part de travailler de concert avec le Parlement européen à chaque stade de la conception et de l’examen de ces résolutions. Dans la pratique, je veillerai à ce que tous les membres de la Commission collaborent très étroitement et d’entrée de jeu avec leurs commissions parlementaires respectives. Tous les membres du collège devraient également se tenir prêts à discuter de la conception et de l’élaboration des résolutions parlementaires et travailler de concert avec les députés européens à chaque stade de la conception et de l’examen de ces résolutions. Cela permettra d’améliorer le dialogue, d’entretenir la confiance et d’œuvrer ensemble à la réalisation d’un objectif commun. Par ailleurs, une coopération étroite entre le Parlement et la Commission dès les premiers stades contribuera, me semble-t-il, à favoriser dans toute la mesure du possible la compréhension sur le fond. Je ferai en sorte qu’une fois une résolution adoptée, le collège des commissaires en soit informé et soumette les questions qui y sont soulevées à un débat politique. Les nouvelles méthodes de travail de la Commission consacreront cette nouvelle procédure au niveau politique afin de garantir que les membres du collège accompagneront et examineront les résolutions élaborées en vertu de l’article 225 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et y répondront tout au long de la procédure.

En matière de droit d’enquête parlementaire: pouvez-vous vous engager à ne ménager aucun effort pour relancer les négociations, actuellement au point mort, sur un règlement régissant l’exercice du droit d’enquête du Parlement et à engager activement la Commission dans ce processus?

Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne reconnaît le rôle du Parlement européen en matière de surveillance et de contrôle politique. Je crois que l’objectif de tout outil ou instrument donnant effet à ces dispositions est de garantir que toutes les allégations d’infraction ou de mauvaise administration dans l’application du droit de l’Union seront traitées comme il se doit et qu’il y sera répondu. Dans ce contexte, je comprends totalement les efforts déployés par le Parlement pour mettre en place un instrument actualisé destiné à remplacer la décision 95/167/CE portant modalités d’exercice du droit d’enquête du Parlement européen par un règlement actualisé et adapté à sa finalité proposé par le Parlement européen et approuvé par la Commission et le Conseil. Le Parlement européen a adopté une proposition en 2012 pour revoir le système, à laquelle il a apporté plusieurs modifications (formelles ou informelles) consécutives. La Commission a engagé avec le Parlement européen un échange constructif sur le réexamen proposé, qui a permis de trouver un terrain d’entente sur un certain nombre d’éléments. Je prends également note du dernier «document officieux» adopté par la commission des affaires constitutionnelles du Parlement en avril 2018. Ce document officieux contient plusieurs propositions constructives du point de vue de la Commission en ce qui concerne les règles d’établissement d’une commission d’enquête, les règles de procédure applicables à ses enquêtes, ou encore l’introduction d’un point de contact central pour les enquêtes. A ce jour, il est vrai qu’il subsiste des problèmes juridiques et institutionnels qui doivent encore être résolus au cours des négociations interinstitutionnelles et je souhaite en ce sens engager une discussion trilatérale constructive, afin de trouver des solutions appropriées aux questions en suspens qui sont toujours sur la table.

La commission des Pétitions traite un grand nombre de pétitions présentées par des citoyens qui ne sont pas satisfaits de l’application ou de la mise en œuvre du droit européen. Les deux tiers de ces pétitions, environ, sont transmises à la Commission en vue d’un examen détaillé de la question. Or, la commission des Pétitions a remarqué que la Commission, dans ses réponses, conclut plus fréquemment que «certains cas individuels d’application présentée comme incorrecte peuvent souvent être traités de façon satisfaisante par d’autres mécanismes, plus appropriés, au niveau (européen et) national» et que «si une protection juridictionnelle est garantie, la Commission dirigera généralement les plaignants vers l’échelon national» . Comment entendez-vous concrètement renforcer le rôle de la Commission en tant que gardienne des traités et veiller à ce que les allégations d’application incorrecte du droit européen fassent l’objet d’un suivi approprié et qu’il y soit remédié au niveau de l’Union plutôt que de renvoyer constamment les pétitionnaires au niveau national?

Dans la communication de 2016 intitulée «Le droit de l’UE: une meilleure application pour de meilleurs résultats», la Commission a établi une approche plus stratégique de sa politique en matière de contrôle de l’application de la législation. Il s’agit de cibler les infractions les plus importantes au droit de l’Union qui nuisent aux intérêts de ses citoyens et de ses entreprises. Cette approche a porté ses fruits sous la forme de progrès réalisés dans des domaines spécifiques d’action, comme la protection de l’environnement ou de l’Etat de droit. S’il existe une protection juridique effective, la Commission dirige généralement les plaignants vers les organes les plus aptes à traiter la plainte et à fournir une réponse rapide à la question sous-jacente. L’accent est mis sur l’obtention de résultats. La Commission continue à jouer son rôle de gardienne du traité et à traiter certains cas lorsque, par exemple, le droit national n’est pas au point ou lorsqu’une plainte individuelle porte sur une pratique générale incompatible avec le droit de l’Union, ou sur un manquement systémique au droit de l’Union. La Commission continuera également à traiter les cas pour lesquels il n’existe aucun autre moyen de recours. Je suis prêt à me rendre à la commission des pétitions lors de la présentation de son rapport annuel. En outre, en cas de nombre élevé de pétitions sur un sujet donné, j’encouragerai le (les) membre (s) responsable(s) du collège à se rendre à la réunion de la commission au cours de laquelle ces pétitions seront examinées pour en débattre et voir ce qui peut être fait pour remédier aux préoccupations exprimées. De manière plus générale, la Commission travaillera en étroite collaboration avec la commission des Pétitions pour guider, conseiller et encourager les citoyens à utiliser le mécanisme de résolution des problèmes le plus approprié.

Photo: Audition parlementaire de Maroš Šefčovič, candidat à la vice-présidence de la Commission chargé des relations interinstitutionnelles et de la prospective / Photographe PBU-JCV / © European Union 2019 – Source : EP

© EuTalk / www.eutalk.eu – ISSN 2116-1917 / Les propos exprimés par l'intervenant sont l'expression d'une réflexion personnelle. Ils n’engagent que leur auteur, et en aucun cas l’institution à laquelle il appartient ou qui l'accueille.