Eurocrates… mais pas que

«On voulait prouver qu’il y a encore un enthousiasme, que le Conseil de l’Europe n’est pas mort et que nous y croyons encore»

Loin de leur quotidien institutionnel, une quarantaine de salariés du Conseil de l’Europe ont fait le choix de «remettre l’église au milieu du village». Comment? En traversant, sur leur temps de congés – la «grande Europe» à vélo, pour confronter leur réalité à celle – bien concrète – de ses habitants. Retour d’expédition, ce midi, à Strasbourg.

Denis Bribosia est originaire de la cité du Bassinia – comprenez la bonne ville de Huy en Belgique -, Strasbourgeois d’adoption, cycliste par passion et, selon ses propres mots, «bureaucrate» du Conseil de l’Europe. Non pas qu’il soit amer – en 20 ans son job au secrétariat du Comité des ministres ne l’a pas lassé -, mais l’Europe des dossiers brassés au quotidien peut parfois donner des envies de «terrain».

Helsinki-Strasbourg à vélo

Avec deux de ses collègues – James, l’Ecossais et Yves le Français – il a décidé de «se rappeler le sens de son engagement professionnel européen». De «remettre l’église au milieu du village». Comment? En profitant du 70e anniversaire du Conseil de l’Europe pour parcourir un bout du continent à vélo. Départ: le 17 mai dernier d’Helsinki où se tenait en une importante réunion ministérielle. Arrivée: ce lundi 17 juin à Strasbourg.

Défini en février, le projet a rallié une quarantaine de salariés du Conseil de l’Europe. Hommes et femmes à part égale travaillant dans tous les secteurs de l’institution y compris la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), la Pharmacopée et les Représentations permanentes de quelques uns des 47 Etats membres. Un peloton on ne peut plus international où se sont relayés Belges, Français, Bulgares, Slovènes, Lettons, Danois, Néerlandais, Suisses, Italiens, Moldaves… «On voulait prouver qu’il y a encore un enthousiasme, que le Conseil de l’Europe n’est pas mort et que nous y croyons encore», raconte la Belge et belle Ellen qui travaille à la CEDH.

«Schengen a du bon…»

La plupart de ces joyeux cyclistes ne se connaissaient pas – l’institution compte 2.700 salariés (!) – mais tous se sont entendus. Et leur multilinguisme leur a permis de converser avec des citoyens de la «grande» Europe au fil de leurs étapes en Finlande, Estonie, Lettonie, Lituanie, Fédération de Russie (Kaliningrad), Pologne, Allemagne et France. Passer par la Russie était important pour eux à l’heure où tout le monde espère un dénouement positif de la crise entre Moscou et le Conseil de l’Europe. Ils ont donc franchi une frontière hors Union européenne avec les contrôles d’identité et de bagages y afférant. Trois heures et demi de fouilles et formalités… «L’espace Schengen a du bon.»

Souvenirs du 9 novembre 1989

Autre moment fort raconté par la Française Charlotte, l’«étape de montagne» entre Berlin et Fulda avec le passage d’une frontière symbolique, celle qui coupait l’Allemagne entre Est et Ouest. En subsistent des tours, des morceaux de barbelés. «Le groupe étaient constitué de gens qui venaient des deux côtés de l’ancien Rideau de fer, on a tous eu besoin de raconter ce qu’on faisait le 9 novembre 1989…».

Des souvenirs ils en ont à foison, un blog tenu au quotidien par Isabelle en gardera la trace après avoir fait vibré l’Intranet pendant un mois. L’empreinte du périple se mesurera au fil du temps. Jeudi dernier, ils préparaient «l’arrivée» prévue ce lundi midi sur le parvis du Conseil de l’Europe. Des salariés de l’institution rejoindront en Allemagne, juste de l’autre côté du Rhin, la quinzaine de leurs collègues qui auront assuré les dernières étapes et c’est une centaine de cyclistes aux couleurs du Conseil de l’Europe qui débouleront sous les drapeaux des 47 Etats membres. Discours, chorale, apéritif festif en présence des autorités du Conseil de l’Europe et du maire de Strasbourg… Une bulle d’air sur fond d’étoiles jaunes.

Véronique Leblanc est, journaliste, correspondante à Strasbourg sur les questions européennes pour la Libre Belgique et l’Agence Europe. / Photo: Denis Bribosia – Départ Helsinki.

© EuTalk / www.eutalk.eu – ISSN 2116-1917 / Les propos exprimés par l'intervenant sont l'expression d'une réflexion personnelle. Ils n’engagent que leur auteur, et en aucun cas l’institution à laquelle il appartient ou qui l'accueille.