Sortie de crise sur le «Ruxit»? Techniquement tout est en place, mais...

Le ministre des affaires étrangères russe Sergueï Lavrov dit qu’il a pris bonne note des avancées et que le dernier mot reviendra à la Douma… 

Un «Ruxit» au sein du Conseil de l’Europe pourra-t-il être évité ? «Pour ma part, j’ignore où en sont les négociations au plus haut niveau mais en ce qui concerne la Commission du Règlement, nous avons apporté notre pièce au puzzle», confie la rapporteure Petra De Sutter. Mais certaines pièces peinent encore à s’emboiter. Explications.

Suspendue de son droit de vote à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) en 2014 – après l’annexion de la Crimée -, la Fédération de Russie y pratique depuis une politique de la chaise vide assortie en juin 2017 d’une très problématique non contribution au budget de l’institution paneuropéenne. Le tout en continuant à siéger au sein de l’autre organe statutaire de l’organisation strasbourgeoise, à savoir le Comité des ministres… Incohérence institutionnelle, crise budgétaire, tensions politiques, menace d’un «Ruxit» qui priverait le Conseil de l’Europe d’une sphère d’influence capitale et les citoyens russes de la protection de la Cour européenne des droits de l’homme… C’est à une crise pleine et entière qu’il fallait trouver une issue.

Réintégrer les Russes (et les Bosniens) mission impossible?

Celle-ci se dessine. Complexe et pour l’heure toujours aléatoire, elle repose sur un calendrier serré qui s’articule autour de l’élection du prochain – ou de la prochaine – Secrétaire général(e) du Conseil de l’Europe initialement prévue le 25 juin prochain, lors de la troisième partie de session 2019.

Toutes les délégations nationales doivent participer à ce vote crucial, avait demandé le Comité des ministres réuni à Helsinki le 17 mai dernier. Toutes, c’est-à-dire y compris la russe et accessoirement la bosnienne qui – pour des raisons de politique intérieure – n’avait pas été en mesure de présenter ses pouvoirs en janvier 2019. Réglementairement en effet, cette démarche ne peut se faire qu’une fois dans l’année, au début de la première partie de session.

Calendrier serré pour «circonstances exceptionnelles»

Saisie par le Bureau de l’APCE dans la foulée de la déclaration d’Helsinki, la Commission du Règlement a adopté lundi 3 juin une résolution qui, «au vu des circonstances exceptionnelles», rendrait possible une intégration en cours d’année des deux délégations absentes et leur participation à l’élection du Secrétaire général.

Pour y parvenir, il faudra que le Rapport de la Belge Petra De Sutter, adopté lundi dernier par la Commission du Règlement, le soit également par l’Assemblée parlementaire dès le lundi 24 juin dans l’après-midi. Une fois ce point acquis, la Russie – si elle y consent – et la Bosnie pourront présenter les pouvoirs de leur délégation respective dès le mardi 25 juin, sachant que ces pouvoirs seront sans aucun doute contestés aux Russes par les Ukrainiens et leurs soutiens.

Deux processus pourront alors se déployer en parallèle: d’une part, l’examen de la contestation par la Commission politique avec avis de la Commission du Règlement et la rédaction d’un rapport qui sera soumis au vote de l’APCE, sans doute le jeudi 27 juin; d’autre part, l’élection du nouveau ou de la nouvelle Secrétaire général(e), qui pourra se dérouler dès le mercredi 26 et inclure toutes les délégations puisque, tant qu’elle n’a pas été tranchée, la contestation des pouvoirs n’est pas suspensive.

Cela suffira-t-il aux Russes?

Confinant à l’horlogerie, le mécanisme reste d’autant plus aléatoire que le rapport De Sutter prévoit qu’une ratification peut s’accompagner de sanctions telles que l’interdiction pour les membres d’une délégation concernée de présenter un rapport ou de participer à des observations d’élections… En excluant toutefois cette fameuse suspension du droit de vote qui avait tant fâché les Russes.

Cela suffira-t-il à apaiser Moscou? «C’est toute la question et je n’ai pas la réponse » répond Petra De Sutter qui note toutefois des échos positifs dans la presse russe. «Le ministre des affaires étrangères Lavrov dit qu’il a pris bonne note des avancées et que le dernier mot reviendra à la Douma. Pour ma part, j’ignore où en sont les négociations au plus haut niveau mais en ce qui concerne la Commission du Règlement, nous avons apporté notre pièce au puzzle». Techniquement tout est en place pour un assemblage final en juin. Dorénavant, et plus que jamais, la dernière main sera politique.

Véronique Leblanc est, journaliste, correspondante à Strasbourg sur les questions européennes pour la Libre Belgique et l’Agence Europe.

Photo: Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie / 129e Session du Comité des Ministres, 17 mai 2019 / Source: Service presse Conseil de l’Europe / Crédit:© Council of Europe / Photographe Candice Imbert.

 

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