COP21: pourquoi le politique ne peut plus faire l’économie d’un accord avec les entreprises

« Nous devons passer du rôle de spectateur au rôle d’acteur »

Les Accords de Paris, conclus en décembre dernier déboucheront-ils cette fois sur une amélioration concrète des politiques environnementales à l’échelle internationale? Oui, répondent la députée européenne S&D Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy, et Sylvain Waserman, Directeur général du groupe Réseau GDS (Gaz Distribution Service). Pour peu que les entreprises soient pleinement associées à leur mise en œuvre.

9 mars 2016: à l’occasion du lancement des premiers Europ’After Hours organisés par l’ENA, Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy, membre de la commission Transports du Parlement européen, et Sylvain Waserman, Directeur général du groupe Réseau GDS (Gaz Distribution Service) se prêtent au jeu des pronostics: l’Accord de Paris, et ensuite? Car à mesure que les Conférences des parties se succèdent depuis la signature du Protocole de Kyoto, force est de constater qu’aucune n’a jusque-là débouché sur une amélioration sensible des politiques climatiques. Tout juste huit jours après la rencontre organisée à l’ENA, tombait ainsi un nouveau rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Intitulé «Prévenir la maladie grâce à un environnement sain: une estimation de la charge de morbidité imputable à l’environnement», celui-ci relevait ainsi qu’au cours de la seule année  2012, 12,6 millions de personnes seraient décédées du simple fait d’avoir «vécu ou travaillé dans un environnement insalubre». Soit, en ratio, près d’un quart des décès enregistrés à l’échelle internationale au cours de cette même période. Entre autres causes invoquées, «la pollution de l’air, de l’eau et des sols», «l’exposition aux substances chimiques», «le changement climatique» ou «le rayonnement ultraviolet», à l’origine de plus de 100 maladies ou traumatismes. Des chiffres alarmants qui, malgré les appels à la mise en place de politiques environnementales plus contraignantes et à contenir le réchauffement climatique à une hausse 2 degrés aux environs de 2100 par rapport à la température moyenne de 1880, pourrait encore s’aggraver. Rien qu’en 2015, plus de 32 milliards de tonnes de CO2 continuaient ainsi à être rejetés dans l’atmosphère, en hausse de 61% par rapport à 1990, année de signature des Accords de Kyoto.

Des sources de pollution diverses, qui nécessitent des réponses adaptées

Régulièrement pointées du doigt, les grandes industries ne sont pourtant pas les premières émettrices de gaz polluants, relève en substance Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy. En tête de liste, les transports, «source de près de 33% des émissions de gaz à effet de serre», et plus particulièrement les véhicules individuels, «véritables responsables de la pollution, avec plus de 50%» des rejets liés à ce secteur d’activité. Un point selon elle, sous-estimé par l’Accord de Paris, dont elle regrette le manque d’ambition comparé aux préconisations de la commission transport du Parlement européen qui appelait à une priorisation de cinq éléments afin d’entamer un nouveau paradigme dans ce domaine: la mise en place d’une urbanisation intelligente, l’intégration des secteurs aérien et maritime, la fin de la suprématie des énergies fossiles, l’augmentation des modes de transport durables et l’accroissement des transports en commun. Cinq points également susceptibles, selon elle, s’ils venaient à être inscrits au rang des priorités internationales, de ralentir les effets polluants du secteur et de diminuer la part de la voiture individuelle dans les émissions de gaz. Mais qui nécessitent, ne serait-ce qu’en termes de développement des carburants alternatifs à l’essence ou au diesel, un partenariat poussé avec les entreprises du secteur automobile. Car «sans partenariat, aucune proposition viable ne pourra être appliquée».

Loin de s’opposer à ce constat, Sylvain Waserman, le Directeur général de Réseau GDS, confirme non seulement l’importance stratégique des énergies alternatives, dont celles liées au développement de motorisations au gaz naturel mais également la nécessité d’un partenariat réel entre secteurs public et privé. Sur la partie énergétique, le développement et la promotion de motorisations au gaz naturel seraient ainsi «un progrès écologique pour l’industrie du transport», développe-t-il: tout d’abord parce que le gaz ne demande pas de camion-citerne pour être acheminé vers les stations-services ; ensuite, parce qu’il n’émet aucune particule fine et constitue dès lors une solution à la réduction des émissions de gaz polluants par les transports. Quant à une meilleure collaboration entre les échelons politique et entrepreneurial, l’homme prévient à son tour que les accords de Paris ne pourront  être respectés qu’à la condition qu’une concertation avancée se tienne avec les entreprises de distribution. «Nous devons passer du rôle de spectateur au rôle d’acteur», prévient-il. Concrètement, en l’absence d’un tel tandem et de décisions partagées, les engagements de Paris ne pourront être tenus, quand bien même des efforts auraient déjà été entrepris par le secteur privé dans le domaine environnemental. Et celui-ci de citer en exemple les réformes déjà prises à l’échelle locale pour rendre le réseau plus vert et d’y accroître la part des énergies renouvelables. Autant d’initiatives qu’il appartiendrait de renforcer avec l’appui du politique pour que la France atteigne l’objectif fixé à Paris de 23% d’énergies renouvelables d’ici à 2020 – contre une production d’à peine 9% aujourd’hui…

(1) Maxence Vigin est étudiant en Master 2 «Relations internationales» à Sciences Po Strasbourg

Photo: COP Paris sous creative commons

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